Srebrenica, topographie d'un massacre

Places have memory. Events have an impact on space and time, imprinting patterns in the landscape. Often, having good eyes is not enough to recognize them. One must have been introduced to the secret and initiated to the long history hidden under the surface of things. Then, time unfolds and offers to the view the depth of the past days. One can now read the territory as a history book.

This is the case in Srebrenica (Bosnia-Herzegovina) where the territory of the dead is covered with shadows and oblivion. These are the places of the massacre : execution sites and mass graves. Some of them have already disappeared under fields of corn and sunflowers, overwhelmed by grass and flowering meadows. Others still stand - empty ruins where birds nest. But many are still inhabited and used daily. Schools mostly, a gymnasium, a soccer field, a shed... The living go about their business among the ghosts. At last, there are the unexplored lands where hundreds of the disappeared still rest. Their location and number are unknown. Those who lie down here died without witnesses.

 

Évidemment, les lieux ont une mémoire. Les évènements froissent l’espace et le temps, impriment dans le paysage des motifs plus ou moins discrets, plus ou moins reconnaissables. Souvent, avoir de bons yeux ne suffit pas. Il faut avoir été introduit dans le secret, initié à la longue histoire cachée sous la surface des choses. Alors, ce que l’on voit gagne une dimension supplémentaire, celle du temps recroquevillé qui soudain se déploie et offre à la vue la profondeur des jours passés. On peut désormais lire le territoire comme un livre d’histoire, ou bien voyager dans le temps en se promenant d’un point à l’autre du paysage.

Il en va ainsi à Srebrenica, dans l’est de la Bosnie-Herzégovine, où le territoire des morts côtoie celui des vivants. Tous ne le voient pas, car il est recouvert de pans d’ombre et d’oubli. Ce sont les lieux du massacre, les sites d’exécution, les charniers. Des coins de terre ou des coins d’asphalte où la violence et le sang ont capturé un cri et l’ont enclos dans un silence souverain. Certains d’entre eux ont déjà disparu sous les champs de maïs et de tournesols, repris par les herbes folles et les prairies en fleur. D’autres s’élèvent toujours ; bâtiments grêlés et vides qui servent de demeure aux oiseaux. Beaucoup sont toujours habités et utilisés. Des écoles surtout, un gymnase, un terrain de football, un hangar. Les vivants y vaquent à leurs occupations au milieu des fantômes. Enfin, il y a les terres obscures, inexplorées, où reposent encore des centaines de disparus. Ce sont des lieux anonymes, scellés par le secret. Leur localisation et leur nombre sont inconnus. Ceux qui les peuplent sont morts sans témoins.

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Srebrenica, topographie d'un massacre

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