La frontière
Borders are ambivalent and complex spaces. Those who die or disappear while trying to cross them reveal a fundamental property: borders are also horizons of time.
The missing persons seem to have never crossed the horizon. They remain there in an immobile, deeply ambiguous time. Are we dead until our body is found? Are we dead until we give you back your name, your face, your history - until we give you back to those who are waiting and hoping for you?
The horizon thus gives rise to a feeling of "ambiguous loss" for the relatives. They can't find answers and achieve the mourning process. This trauma, frequent in times of war, has unfortunately become so in times of peace, due to our European policies responsible for thousands of deaths every year.
The objects in this series belonged to people who attempted to cross the Evros River, which marks the border between Turkey and Greece. Their personal effects have been preserved by the forensic doctor of Alexandroupoli hospital, Pavlos Pavlidis, in the hope of identifying these nameless bodies.
Report in Greece, on the sea border in Lesbos and the land border along the river Evros.
Les frontières sont des espaces ambivalents et complexes. Ceux qui meurent ou disparaissent en tentant de les franchir en révèlent une propriété fondamentale : les frontières sont aussi des horizons du temps.
Pour leurs proches, les disparus de la frontière semblent ne jamais avoir tout à fait franchi l'horizon, mais s'y maintiennent dans un temps immobile, profondément ambigu. Est-on mort tant que l'on n’a pas retrouvé votre corps ? Est-on mort tant que l’on ne vous a pas rendu votre nom, votre visage, votre histoire — tant qu'on ne vous a pas rendu à ceux qui vous attendent et vous espèrent ?
L'horizon fait ainsi naître un sentiment de « perte ambiguë » chez les vivants, qui ne peuvent trouver de réponses et achever l’indispensable processus de deuil. Ce traumatisme, fréquent en temps de guerre, l’est malheureusement aussi devenu en temps de paix, du fait de nos politiques européennes de gestion de la frontière extérieure, responsables de milliers de morts chaque année.
Les objets figurant dans cette série ont appartenu à des personnes ayant tenté la traversée du fleuve Evros, qui marque la frontière entre la Turquie et la Grèce. Morts par noyade ou hypothermie, leurs effets personnels ont été conservés par le médecin légiste de l'hôpital d'Alexandroupoli, Pavlos Pavlidis, dans l'espoir de pouvoir identifier ces corps sans noms.
Reportage en Grèce, sur la frontière maritime à Lesbos et la frontière terrestre le long du fleuve Evros.