Iraq - I haven't cried in ten years

 

Je n'ai pas pleuré depuis dix ans

Irak, 2020-2022

"Avant, nous avions un Saddam, maintenant nous en avons des milliers". Avec un regard distant et une voix douce, Mustafa me dit ces mots par une chaude soirée de septembre à Bagdad. Ses paroles rappellent celles de tant d'Irakiens, qui ont perdu tout espoir et tout but au cours des années de conflit et de violence qui frappent encore l'Irak aujourd'hui.

La violence semble être devenue un processus social auto-entretenu en Irak, l'histoire du pays ayant été marquée par une succession d'événements traumatisants. Depuis le règne du despote Saddam Hussein, au cours duquel elle a été élevée au rang de vertu politique, le pays semble baigner dans un véritable éthos de la violence qui a laissé une trace vive dans la mémoire collective du pays et empêche encore toute réconciliation et reconstruction.

Pendant des décennies, la guerre a tué, mutilé et endeuillé des millions d'Irakiens, affectant tous les aspects de leur vie. Aujourd'hui, la société se trouve brutalisée par cet état de guerre permanent qui dure depuis 40 ans.
Pour les jeunes générations, chaque entre-deux a été synonyme de privations, d'hyper-militarisation et de perte totale de perspectives d'avenir. L'imaginaire de la mort et de la souffrance est omniprésent, amplifié par la martyrologie ambiante de la religion chiite, qui place au cœur de ses rituels le récit de la mort violente de l'imam Hussein, dont le sang a maculé le sol de la ville sainte de Karbala.

Pourtant, la question du traumatisme est épineuse, avec une stigmatisation particulièrement forte de tout ce qui touche aux problèmes psychologiques. Les problèmes de santé mentale sont considérés comme une anomalie, une faiblesse ou l'œuvre d'un "djinn" qui ne peut être guéri que par la prière ou l'isolement. Avec seulement une vingtaine de psychologues reconnus dans tout le pays, comment les blessures du passé peuvent-elles être guéries ?

Ce projet tente de répondre à cette question, en suggérant différents mécanismes auxquels les Irakiens ont recours pour conjurer ce véritable syllogisme du traumatisme et du désespoir. Le renouveau de la religion, l'art sous toutes ses formes, le soulèvement populaire avec la révolution de 2019, mais aussi la réitération de la violence, semblent être autant de mécanismes qui découlent de cette relation délicate que l'Irak entretient avec son passé brutal.

 

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