Yemen, on the ruins of "Happy Arabia"
( Texte de Jean-Philippe Rémy pour Le Monde ) Plus de 10 000 morts, dont la moitié sont des civils ; des bombardements qui touchent aussi bien des écoles et des musées que des camps militaires ; une dizaine de pays impliqués, du Moyen-Orient à l’Afrique ; une épidémie de choléra qui atteint plus de 300 000 personnes : la guerre entamée en 2015 au Yémen est un conflit dévastateur, et il se déroule pratiquement sans témoin extérieur. Plus de deux ans après son déclenchement, le Yémen est coupé en deux. Il y a une forme de gouvernement au Nord, à Sanaa, mêlant des responsables de la rébellion houthiste et les fidèles de l’ex-président Ali Abdallah Saleh. Dans le Sud, à Aden, siège un autre gouvernement, reconnu, celui-ci, par la communauté internationale et soutenu par une coalition d’une dizaine de pays dirigée par l’Arabe saoudite. Les deux camps qui s’affrontent au Yémen ont tout mis en œuvre pour empêcher les journalistes de s’y rendre. C’est, pour l’heure, leur seule réussite. Or les enjeux sont importants. Le Yémen est un des théâtres de la féroce lutte d’influence entre l’Arabie saoudite et l’Iran, qui se joue aussi en Syrie ou en Irak. Mais la guerre agit aussi comme le révélateur d’autres fractures, notamment celle entre le nord et le sud du pays. Alors que le conflit semble enlisé et que la situation humanitaire devient intenable, le Yémen semble menacé de destruction massive. Dans ce contexte, les djihadistes, à commencer par Al-Qaida dans la péninsule Arabique (AQPA), tapis en embuscade, voient des opportunités à saisir.