Alain Keler - Après une si longue absence
L’Auvergne est la région qui m’a vu naitre et dans laquelle j’ai vécu jusqu’à l’âge de onze ans. La montée sur Paris fut assez traumatisante pour ma mère et moi. La lumière, l’odeur si particulière de l’air disparurent pour celles de Paris. Le calme provincial fut remplacé par l’agitation de la capitale. L’école lumineuse de Clermont-Ferrand laissa la place à des salles sombres où trônaient des poêles d’une autre époque. Enfant, j’ai des souvenirs de balades du dimanche dans la 203 noire de mon père dont j’ai toujours gardé en mémoire l’immatriculation « 371 AK 63 ». Nous habitions impasse pasteur à Chamalières. Il y avait le Puy de Dôme à une quinzaine de kilomètres, avec son sommet arrondi qui semblait porter le poids des années. Il neigeait souvent en hiver et cela rendait la montagne encore plus belle dans mes yeux d’enfant. En été mes parents allaient avec des amis au thé dansant d’un hôtel avenue de Royat. Il y avait aussi tous ces lacs merveilleux où nous allions pique-niquer : le lac Pavin, le lac d’Aydat, le lac Chambon. Le Mont-Dore, La Bourboule, Saint-Nectaire étaient des autres lieux du dimanche qui me paraissaient très éloignés, chaque déplacement étant ressenti comme un voyage lointain. L'Auvergne, dans la zone libre, fut aussi la région de refuge de mes parents et de mes grands-parents pendant la seconde guerre mondiale. Mes grands-parents, chassés par l'antisémitisme et la pauvreté en Pologne sont venus en France chercher un refuge. Refuge éphémère puisque la déportation les rattrapa. Pour eux un voyage sans retour. Pour moi une Histoire de vie, de mort. Une histoire d’une certaine France, celle de mon enfance.
Auvergne is the region where I was born and where I lived until the age of eleven. The flight to Paris was rather traumatic for my mother and me. The light and the distinctive smell of the air were replaced by those of Paris. The provincial calm was replaced by the hustle and bustle of the capital. The bright school in Clermont-Ferrand gave way to dark rooms with stoves from another era. As a child, I have memories of Sunday drives in my father's black 203, the registration number of which I still remember as "371 AK 63". We lived in impasse pasteur in Chamalières. About fifteen kilometres away was the Puy de Dôme, with its rounded summit that seemed to bear the weight of the years. It often snowed in winter, which made the mountains even more beautiful in my childhood eyes. During the summer, my parents would go with friends to the tea dance at a hotel on the Avenue de Royat. There were also all these wonderful lakes where we went for picnics: Lac Pavin, Lac d'Aydat, Lac Chambon. Le Mont-Dore, La Bourboule and Saint-Nectaire were other places on Sundays that seemed very far away to me, each trip feeling like a distant journey. The Auvergne, in the free zone, was also the region of refuge for my parents and grandparents during the Second World War. My grandparents, driven out by anti-Semitism and poverty in Poland, came to France seeking refuge. It was a short-lived refuge, as the deportation caught up with them. For them, it was a journey of no return. For me, a story of life and death. A story of a certain France, the France of my childhood.