Enfants Sorciers

Congo, la malédiction des enfants sorciers

Sous sa casquette à carreaux, ses traits sont ceux d’un homme de 60 ans. Selon l’état civil, John Kankonde n’en a que 37. Mais, quand on a grandi à Kinshasa, ce sont les épreuves, plus que les années, qui dictent votre âge. Lui a pris son premier coup de vieux à 7 ans. Quand, sur les conseils de sa grand-mère excédée, sa tante l’a emmené chez le pasteur. John s’en souvient comme si c’était hier : « Le prophète m’a contraint à cinq jours de retraite. Puis est venu le moment de la “délivrance”. Il m’a frotté les yeux avec du savon, ça piquait. Ensuite, il a fait brûler un cierge sur ma tête et m’a tordu les oreilles, comme s’il voulait les arracher. Il répétait : “La vérité doit éclater !” J’avais mal, j’ai avoué : oui, j’étais bien sorcier. »

Marqué par le pasteur du sceau des damnés, rejeté par les siens, ce Petit Poucet moderne s’est enfoncé dans la jungle urbaine de Kinshasa, grouillante d’ogres en tout genre, où l’on ne survit qu’armé de débrouillardise et d’une « Gillette », une lame de rasoir que, vers 16 ans, les enfants perdus de la capitale remplacent par une machette.

Paris Match, Florence Broizat, 2020

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